Calames

MMSH-PH-5422 Entretien auprès de deux hommes âgés non-initiés, portant sur la religion et les cérémonies vaudous ainsi que sur l'évolution des pratiques, dans la région d’Allada, au Bénin

Date : 1986-03-15
Description physique : 2 cassettes audio. Durée : 2h 11min.
Description : Les informateurs expliquent les modifications qu’ils ont pu observer depuis leur enfance, par rapport au culte vaudou, qu’ils ne pratiquent pas cependant eux-mêmes. Le changement majeur qu’ils ont pu observer est la privation de la liberté du culte. En effet, depuis la révolution béninoise, les périodes d’exercice du culte sont fixées par les autorités administratives. Selon Tchehe Kripo, ces réglementations auraient été mises en place afin de résoudre les problèmes économiques du pays. En effet, limiter la période de culte durant la saison morte, permet aux adeptes de pouvoir travailler tout le reste de l'année, notamment durant les périodes d’activités agricoles. Germain Kripo lui, pense que la raison profonde de cette réglementation viendrait du fait que les prêtres vaudous ont le pouvoir de faire cesser la pluie durant leurs cérémonies, ce qui pose donc un gros problème en ce qui concerne l’agriculture qui est l’essence de la vie au Bénin. C’est pourquoi le culte vaudou serait permis uniquement durant la saison morte. Un autre changement que les informateurs ont remarqué, est le déclin des faux vaudounons. Lorsqu’ils étaient jeunes (Tchehe Kripo a 80 ans et Germain Kripo a 60 ans), beaucoup d’escroqueries étaient organisées par de faux vaudounons, car le Vaudou peut être utilisé comme un « moyen de consommation ». Par exemple, lors de la cérémonie d’expiation du [Dia Ro Ro], chaque adepte doit sacrifier et cuisiner un poulet, celui-ci revenant dans sa quasi-totalité au prêtre. De ce fait, les « mauvais prêtres », les escrocs, utilisaient la foi des adeptes pour leur propre intérêt. Aujourd’hui avec la réglementation, les cérémonies ont dû se simplifier. De ce fait, il est donc plus compliqué de mettre en place des escroqueries. Néanmoins, il existe toujours des « mauvais prêtres » profitant de la naïveté des fidèles. Tchehe Kripo explique que le vaudou est actuellement comme dans un « tourbillon » : le vaudou n’est pas stable, le culte change constamment soit du fait de causes internes comme les faux vaudounons soit du fait de causes externes comme les réglementations de l’État. De ce fait, pour lui, la puissance du vaudou a diminué, mais le potentiel du pouvoir est toujours présent. Les prêtres ne peuvent juste pas effectuer correctement leur travail et montrer leur pleine puissance. Dans les années 1910, les prêtres pouvaient effectuer des démonstrations publiques comme le faisait [Sando] un prêtre d’Ayou qu’on connut les informateurs. Lors de ces démonstrations, il montrait sa puissance en créant de petites divinités grâce à divers ingrédients comme l’huile de palme ou le sable et les passants pouvaient discuter avec ces petites entités. Dans la région d’Allada où se passe l'entretien, le culte de Sakpata est un des plus importants. Ce culte a été amené au Bénin durant le règne du roi Da-Da Glélé Kini-Kini, par un homme nommé [Adiajapa], afin de subvenir aux problèmes de la population. Dans la hiérarchie de Sakpata, il y a quatre Sakpata. Le Sakpata supérieur nommé [Pimaje] et trois Sakpata qui sont ses subalternes nommés : [Anamon], [Zoudi] et [Arongla]. Dans le culte de Sakpata, il y a un recrutement d’adeptes qui s’effectue grâce au système du don, contre don. En effet, Sakpata permet aux couples ne parvenant pas à avoir d’enfants d’en avoir, mais pour cela, le couple doit effectuer une promesse : soit le couple promet de donner son enfant en mariage à Sakpata, ce qui signifie que l’enfant deviendra un vodounsi de Sakpata, soit le couple promet des offrandes qui permettront aux enfants d’échapper au culte de Sakpata. Si le couple a promis son enfant en mariage à Sakpata, à l’âge de 3 ans, l’enfant doit obligatoirement entrer au couvent. Ainsi, pour être vodounsi de Sakpata il faut donc avoir été conçu sous l’influence de celui-ci. Avant les règlementations imposées par la révolution béninoise, les enfants restaient au couvent pendant 1 an; mais actuellement, ils restent seulement 3 mois, de décembre à mars. Cela nous montre un nouvel exemple de l’altération de la liberté du culte vaudou. Durant leurs séjours au couvent, les enfants effectuent diverses cérémonies comme le [Kwetaron] ou le [Dia Ro Ro]. Néanmoins, lors de l’entretien, les dernières cérémonies avaient eu lieu en 1985 car le roi venait de décéder et il était nécessaire qu’un nouveau roi soit promu pour effectuer ces cérémonies. De ce fait, la dernière sortie du couvent avait aussi eu lieu en 1985, avec seulement neuf adeptes car les nouvelles réglementations imposaient également un nombre limité d’entrées au couvent, la saison des récoltes agricoles s’effectuant au même moment, il est aussi nécessaire de recruter de la main d’œuvre. À l’époque où vivaient leurs pères, il y avait environ 40 à 50 adeptes tous les ans. Durant les cérémonies qui peuvent être effectuées durant la saison morte, [Pimaje] décide avec quel Sakpata l’enfant doit se marier. Cependant, il n’est pas la seule divinité à pouvoir faire cela, c’est pourquoi sur les autels de Sakpata, il y a d’autres divinités à côté de lui comme Gu, dieu du fer ou Erzulie, déesse de l’amour. En revanche, les vodounsi de Sakpata ne peuvent pas être vodounsi d’une autre divinité. Chaque individu qui est entré au couvent, peut être possédé par Sakpata, et celui-ci peut posséder plusieurs individus en même temps, sans toutefois pouvoir posséder un individu s’il n’y a pas eu de cérémonie. Durant celles-ci, les adeptes sacrifient des cabris pour inviter Sakpata à « descendre sur leurs têtes ». Quand l’individu est possédé, il commence à parler [Nago] et seul le prêtre peut interpréter ces dires. Lors de cette prise de parole, c’est Sakpata qui parle à travers le possédé et délivre des messages aux vivants pour les prévenir des catastrophes futures et les informer sur le type de sacrifices qu’ils doivent effectuer pour que cela ne se produise pas. En dehors des cérémonies, les prêtres peuvent parler avec Sakpata par l’intermédiaire de son autel. Les divinités ont cependant souvent un rôle de « contrôle » dans la vie des adeptes vaudou. Par exemple près d’Ayou, une divinité, nommé [Sovi] permet d’empêcher les femmes de divorcer de leur mari, et pour cela, elles sont kidnappées et emmenées dans l’autel de la divinité puis menacées de mort et battues jusqu’à ce qu’elles acceptent de retourner avec leurs maris. La divinité est l’objet de la menace. Il y a une autre divinité venue de Porto-Novo, nommée Fantôme (son nom n’a rien à voir avec la définition française), qui parle uniquement en Fon, la langue locale, et qui oblige les individus à participer aux activités communautaires. Cette divinité est constamment présente dans la vie des adeptes et rythme leurs vies. Si les individus ne participent pas aux activités, ils doivent payer une amende au prêtre de la divinité sous peine d’être bannis de la communauté. Le bannissement consiste à couper l’individu de tout lien social, et le reste de la communauté doit l’ignorer. Si l’individu persiste à ne pas payer l’amende, la communauté s’occupe de le « faire disparaître ». Avant l'arrivée de la divinité Fantôme, dans chaque quartier, il y avait un groupe de jeunes avec un responsable, chargé de mobiliser l’ensemble de la jeunesse pour des activités de quartier. Le responsable avait aussi le pouvoir de bannir des individus, mais Fantôme a plus de pouvoir car il peut menacer l’individu dans son existence même. Le prêtre de Fantôme se nomme « le maître de la nuit » et collabore avec le responsable du groupe de quartier qui n’a pas perdu son rôle. Ensemble, ils parcourent le quartier pour annoncer les activités demandées par Fantôme. Ce groupe de jeunes est un groupe uniquement masculin. Les jeunes accompagnent aussi les sorties de la divinité, chantent et dansent pour annoncer sa venue. Ces groupes de jeunes sont nommés “les acolytes''. Le responsable s’assure que les acolytes réussissent les missions qui leurs sont confiées et que l’intégrité de Fantôme ne soit pas en danger. Si une mission se passe mal, les acolytes sont incriminés et jugés par le reste des jeunes et par le responsable. Les femmes sont aussi organisées en un groupe, avec une responsable qui reçoit les ordres du responsable du groupe des hommes. Leur rôle principal est de balayer la place publique du quartier, et elles participent également aux travaux collectifs. Toute cette organisation se trouve principalement en campagne, mais cela est présent en ville, notamment dans les quartiers traditionnels. Cette organisation découle de la tradition de recrutement colonial qui était organisée de manière administrative et qui consiste à désigner les individus de force pour rejoindre le front. Ces divinités ont été introduites peu à peu durant la jeunesse de Tcheke Kripo et Germain Kripo afin de résoudre les problèmes auxquels la communauté était soumise. Néanmoins, le Vaudou qui reste le plus fort et le plus important, est le vaudou ancestral qui est l’essence du vaudou. (Note : les noms propres entre crochets n’ont peut-être pas la bonne orthographe.)
Ancienne cote : F4029, F4030
Caractéristiques matérielles et contraintes techniques : qualité du son moyenne.
Information sur le traitement : analyse documentaire de Loïcia Giusti, janvier 2021.
Auteur : Kripo, Tchehe
Kripo, Germain
Olivier de Sardan, Jean-Pierre (1941-....)
Enquêteur inconnu
Sujet : Liberté religieuse
Ayou (Allada, Bénin)
Sakpata (divinité africaine)
Porto Novo (Bénin)
Bannissement
Transmission spirituelle
Disciples
Économie politique -- Aspect religieux
Années 1910
Structure sociale
Vie rurale
Éducation religieuse
Relations hommes-femmes
Divorce
Sacrifice d'animaux
Sakpata ( divinité)
Roi Glélé (....-1889)
Lieu de production : Allada (Bénin)
Ayou

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