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MMSH-PH-7590 Françoise Fromonot, enseignante-chercheuse, relate son parcours professionnel sous le prisme des questions de féminisme dans les écoles d’architecture

Date : 2022-07-05
Description physique : 2 fichiers numériques originaux au format wav, produits avec un enregistreur audio de marque Olympus, modèle VN-540PC. Durée: 1h 11min.
Description : Dans le cadre de la féminisation du corps professoral en école d’architecture, l'enseignante-chercheuse Stéphanie Dadour s'entretient avec l'enseignante-chercheuse Françoise Fromonot sur son parcours professionnel, sur les questions de féminisme en école d’architecture, durant ses études et durant sa carrière d’enseignante, ainsi qu'à propos d’égalité entre hommes et femmes en école d'architecture. En 1975, alors âgée de 17 ans, Françoise Fromonot intègre l'Unité pédagogique d'architecture N°6 (UP6), dont elle décrit les locaux, situés à l'époque sur le site historique de l'enseignement de l'architecture, site partagé avec l'école des Beaux-arts, rue Bonaparte à Paris. Elle raconte la conjonction de son goût pour le dessin, le souhait de ses parents de la voir intégrer une grande école et, dans son lycée, la connexion d'une professeure de dessin au monde de l'architecture. Elle appréciait davantage certains professeurs comme Antoine Grumbach ou Jean-Paul Dollé pour leur enseignement dissident de celui classique dispensé dans le cadre des Beaux-arts, du fait de l'intégration des sciences humaines. Françoise Fromonot note qu'il y avait très peu de femmes enseignantes. De par son éducation, et bien qu'ayant lu Simone de Beauvoir, elle ne considérait pas particulièrement sa féminité comme une possible fragilité dans ses rapports avec les hommes et attribuait plutôt les quelques ironies auxquelles elle pouvait être confrontée à sa jeunesse ou à son manque d'expérience. A l'instar de ses amies, l'assurance de sa volonté d'être architecte et la certitude d'avoir des choses à dire, lui faisaient ignorer les obstacles de genre. Elle cite le nom d'amies rencontrées à cette époque (Bernadette Blanchon et Frédérique Monjanel), dont certaines arrivaient de l'UP4, en deuxième cycle, alors que l'UP6 avait déménagé rue de Flandres à La Villette. Elle explique que les études se déroulaient en trois cycles, avec un travail personnel de fin d'études (TPFE) pour l'obtention du diplôme. Elle se souvient de l’enseignement de la professeure de structure [Petia Kandeva] et de la venue pour une conférence de l'historienne Arlette Farge, alors jeune chercheuse, qui venait de publier Vivre dans la rue à Paris au XVIIIe siècle. L'enquêtrice engage alors l'entretien sur la période post-études. C'est l'occasion pour Françoise Fromonot de faire un parallèle entre son TPFE réalisé en collaboration avec Bernadette Blanchon, en lien avec leur participation au concours Europan sur le quartier de La Courneuve, et un jeu qu'elles proposaient, tel un jeu de l’oie, conçu comme un atlas de la banlieue, des grands ensembles, des zones industrielles et des centres commerciaux. A la fin des années 1970 et à l'époque des premières Zones d’aménagement concerté (ZAC), il n'était pas chose courante pour des étudiant·e·s, de s'intéresser aux territoires périphériques, même si la pensée architecturale commençait à se développer autour d'une vision politique des lieux dits mineurs. Françoise Fromonot rappelle que les étudiant·e·s, à cette époque, disposaient de davantage de temps, ce qui lui permettait de nourrir ses centres d'intérêts par des activités personnelles : recherches, voyages, cours à l'école du Louvre, cours à l’université de Vincennes où enseignait entre autres Gilles Deleuze, bénéficiant également d'un climat général d'ouverture d'esprit. Après l'obtention de son diplôme, elle travaille quelques temps en agence, puis a une expérience d'assistante metteuse en scène de théâtre, puis exerce son métier d'architecte en association avec d'anciens étudiants de l'école d’architecture de La Villette, Antoine Belin et Michel Bertheux. Un projet de l'agence - la construction d'un bâtiment show-room pour les usines Renault - la conduit en Australie. Elle y découvre l'architecte Glenn Murcutt et obtient une bourse Villa Médicis hors-les-murs pour écrire une monographie sur cet architecte. Cette période est fondamentale dans sa vie professionnelle puisqu'elle reçoit ses premières sollicitations à enseigner à Sydney. A son retour à Paris et suite aux articles écrits en tant que correspondante de la revue L’Architecture d’Aujourd’hui, celle-ci lui propose un poste à la rédaction. Concomitamment, elle concourt pour un poste d'enseignante en école d'architecture, poste qu'elle prend à l'ENSA de Lille, en 1994. Il y avait encore peu de femmes enseignantes ; elle cite la présence de la géographe Dominique Mons. Arrivent à la même période Victoria Pignot, puis Béatrice Jullien avec laquelle elle enseigne désormais à l'ENSA Paris-Belleville. Elle rappelle qu’aujourd’hui, les femmes enseignantes en école d'architecture sont beaucoup plus nombreuses. Stéphanie Dadour questionne maintenant le témoin sur l'existence du fait féministe dans l'enseignement, dans les écoles d'architecture, au même titre que la question de l'enseignement des inégalités sociales, suite à l'introduction des sciences humaines et sociales dans la formation des architectes. Françoise Fromonot évoque son intérêt pour d'autres disciplines comme la psychanalyse, l'histoire de l'art ou la littérature, l'éloignant probablement des questions liées aux SHS. Ensuite, l'expérience à Lille est relatée, après sa titularisation au poste d'enseignante en Théories et pratiques de la conception architecturale et urbaine (TPCAU). Elle apprécie d'enseigner avec d'autres professeur·e·s, essentiellement sur le projet, auprès des étudiant·e·s de 3ème année ainsi que sur divers sujets proposés aux étudiant·e·s de 1ère année, comme par exemple la découverte sensitive des matériaux. Elle explique sa vision de l'architecture en tant que culture, au-delà de la discipline ou du métier, avec une approche historique, politique et créative, posture qu'elle peut davantage soutenir dans son enseignement à l'ENSA Paris Belleville. Reprenant le cours chronologique de son parcours, après 4 années à Lille, elle souhaite se rapprocher de son lieu de vie et obtient un poste par mutation à l'école de Paris-la-Seine. À cette époque, elle n'adhère pas à la pédagogie de cet établissement, encore structurée en ateliers selon l'ancien modèle des Beaux-arts, et où elle décrit des relations hommes-femmes dégradées et une ambiance conflictuelle, qui mènera au départ d'un groupe de professeurs et à la création de l'ENSA Paris-Malaquais. Elle évoque l'enseignant Jean-Yves Guéguan avec lequel elle s'entendait bien et d'autres avec qui les relations étaient plus difficiles, peut-être du fait d'une certaine jalousie possiblement liée à sa notoriété induite par ses publications sur Glenn Murcutt ou Jørn Utzon. Elle revient sur les raisons qui l'ont poussée à ne pas intégrer l'ENSA Paris-Malaquais à sa création, de par ce contexte conflictuel. Cette expérience désagréable d'enseignement à Paris-La Seine se termine donc à l'occasion d'une vacance de poste à l'ENSA Paris-La Villette. Elle évoque la tendance, lorsque l'on est jeune professeur·e, à « enseigner comme on a été enseigné » et dit avoir mis du temps à se faire sa propre culture pédagogique, qui s'est construite, pour elle, à travers les diverses expériences et rencontres qui lui ont ouvert d'autres horizons. Elle cite notamment le voyage en Australie et ses premières expériences d'enseignement, la rencontre avec l'architecte Nasrine Seraji en 1997 (elle revient plus tard dans l'entretien et plus en détails sur cette rencontre), qui l'invitera à enseigner à l'Académie des beaux-arts de Vienne en Autriche ainsi qu'à Rome dans le cadre du programme Cornell-in-Rome (Ithaca-Rome) de l'université de Cornell aux Etats-Unis ; elle relate aussi, entre autres, son expérience à l'école d'architecture de la Rice University de Houston, dans son antenne parisienne. Ensuite, ses travaux d'analyse critique sur la réhabilitation du quartier des Halles à Paris lui ont donné l'occasion d'enseigner dans de nouveaux champs comme par exemple celui du Master d'aménagement urbain (AMUR) de l'École nationale des ponts et chaussées. L'enseignement en collaboration avec deux autres femmes de l'ENSA Paris - La Vilette, Eva Samuel et Anne-Mie Depuydt, autour de l'architecture mineure et l'échelle urbaine a été également très stimulant. La dernière partie de l'entretien revient plus particulièrement sur le ressenti de Françoise Fromonot quant à l'évolution des rapports hommes-femmes dans les écoles d'architecture. Celle-ci la constate en effet, sous deux aspects, dans le sens d'une présence accrue des femmes: d'une part, avec la promotion de la parité, notamment dans les jurys ou dans les conférences, et d'autre part dans l'enseignement, avec la recherche de références féminines, puisque la pratique du métier en nom propre ne reflète pas la réalité des architectes femme ayant participé à un projet. Elle rappelle avoir consacré un numéro au sujet de la place des femmes en architecture dans la revue Criticat dont elle a été co-fondatrice. Stéphanie Dadour questionne ensuite Françoise Fromonot sur les raisons de cette évolution, celle-ci évoquant la législation sur la parité, la nouvelle génération et le mouvement MeToo. Elle-même est heureuse d'encourager les étudiantes à s'affirmer et se positionner, à se faire confiance, mais constate que l'assignation à un rôle genré est encore présente dans les esprits. Quant au Prix des femmes architectes, elle déclare ne pas y être favorable, principalement de part son opinion très négative sur ce mécanisme de reconnaissance trop normé, sur un modèle masculin, qui lui semble dépassé, et dont la disparition pourrait également être une libération pour les hommes. Oui, Françoise Fromonot se ressent féministe, d'une manière intuitive et spontanée, sans jamais s'être sentie inférieure aux hommes, s'intéressant essentiellement aux connaissances et compétences des personnes. Mais elle s'inquiète que cette évidence pour elle, lui ait fait minimiser ou nier la question du genre. Car elle identifie bien la réalité du plafond de verre qui induit l'invisibilité des femmes, constitué par exemple par la misogynie du milieu, les préjugés envers les femmes ou les difficultés dans la maternité. L'entretien se clôture sur les principes qui ont guidé Françoise Fromonot ainsi que certaines de ses collègues, dans son enseignement, notamment en prodiguant un enseignement « cherchant », dans un contexte d'institutionnalisation de la recherche en architecture, en adoptant des méthodes différentes et un peu hors normes, qui collaient à leurs convictions. Elle raconte par exemple les séquences de quelques jours passés avec les étudiant·e·s dans des lieux inhabituels en banlieue parisienne. Avec ses collègues, elles ne craignaient pas d'affronter l'enseignement classique du projet urbain. L'entretien reprend brièvement sur sa titularisation en tant que professeure dans le champ TPCAU. En effet, son dossier n'avait tout d'abord pas été sélectionné pour la raison officielle qu'elle n'avait pas d'agence d'architecture, ce qui pouvait être en réalité une manœuvre pour l'écarter, à une période où sa critique du projet de rénovation du quartier des Halles à Paris avait été très mal reçue par l'establishment masculin. Néanmoins, en 2008, elle a pu passer cette présélection et finalement, a été titularisée à l'ENSA Paris-Belleville. Elle déclare que cet événement est intéressant en tant que symptôme d'un système, l'enseignante chercheuse Stéphanie Dadour confirmant que ce sont des faits permettant, lorsqu'ils sont répétés, de comprendre la structuration et les mécanismes d'un système. Au cours de l’entretien Françoise Fromonot cite de nombreuses personnes, architectes et enseignant·e·s.
Caractéristiques matérielles et contraintes techniques : qualité sonore très bonne.
Conditions d'accès : la consultation de l'enregistrement de l'entretien est autorisée sur le site de la MMSH, uniquement au sein du réseau du programme de recherche EnsArchi. La demande est à adresser au secteur Archives de la recherche - Médiathèque SHS de la MMSH, par courriel à : contact.bibliotheques.mmsh@services.cnrs.fr. L'entretien n'est pas accessible en ligne.
Conditions d'utilisation : aucun extrait ne peut être cité avant le 1er septembre 2027, sauf accord de l'autrice / informatrice. La reproduction est interdite.
Information sur le traitement : analyse documentaire de Annick Boissel, octobre 2022.
Auteur : Fromonot, Françoise (1958-....) (informatrice)
Annotateur : Dadour, Stéphanie (1980-....) (enquêtrice)
Sujet : Féminisation des professions
Unité pédagogique d'architecture (Paris ; 06)
Grumbach, Antoine (1942-....)
Dollé, Jean-Paul (1940-2011)
Beauvoir, Simone de (1908-1986)
Blanchon, Bernadette
Monjanel, Frédérique
Farge, Arlette (1941-....)
Europan Europe
La Courneuve (Seine-Saint-Denis)
Université de Paris VIII
Deleuze, Gilles (1925-1995)
Belin, Antoine
Bertheux, Michel
Australie
Murcutt, Glenn (1936-....)
Villa Médicis (Rome, Italie)
L’Architecture d’Aujourd’hui
Ecole nationale supérieure d'architecture et de paysage de Lille
Mons, Dominique (1946-....)
Pignot, Victoria (1959-....)
Jullien, Béatrice (1960-....)
École nationale supérieure d'architecture de Paris-Belleville (Paris)
École nationale supérieure d'architecture Paris Val-de-Seine
École nationale supérieure d'architecture de Paris-Malaquais
Guégan, Jean-Yves
Utzon, Jørn (1918-2008)
Seraji-Bozorgzad, Nasrine (1957-....)
Rice university (Houston, Tex.)
Ecole nationale supérieure d'architecture de Paris La Villette
Samuel, Eva (1949-....)
Depuydt, Anne-Mie (1964-....)
Criticat
Mouvements de lutte contre les violences sexistes et sexuelles
Milieu social
Féminisme et éducation
Misogynie
Interdisciplinarité dans l'enseignement
Relations professionnelles

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