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MMSH-PH-7591 Catherine Clarisse, enseignante-chercheuse, relate son parcours professionnel sous le prisme des questions de féminisme au cours des études en architecture

Date : 2022-07-11
Description physique : 1 fichier numérique original au format wav, produit avec un enregistreur audio de marque Olympus, modèle VN-540PC. Durée: 1h 26min.
Description : L’entretien avec l’enseignante-chercheuse Catherine Clarisse s’articule autour de quatre thèmes, déclinés par l’enquêtrice Stéphanie Dadour au début de la conversation : le parcours de vie personnel et professionnel, les questions de féminisme en école d’architecture, le statut des femmes en école d’architecture et les questions plus larges autour de l’égalité homme-femme, dans le milieu de l’architecture. Tout d'abord, Catherine Clarisse raconte ses jeunes années à Paris, dans une famille modeste où le père est architecte d’intérieur et la mère graphiste, celle-ci ayant dû cesser son activité professionnelle pour se consacrer à la famille. Ne bénéficiant pas de la même liberté que ses deux frères, elle développe des activités au sein de la maison : elle dessine, lit et écrit, puis s'intéresse à la bande dessinée. La voie des Arts décoratifs, à l'instar de ses parents, lui semble naturelle. Elle décide d'étudier l’architecture, en tant que cursus préparatoire à l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs. Elle évoque les figures féminines qui l'ont marquée dans les établissements où elle a été scolarisée. Son inscription à l’Unité pédagogique d'architecture N°2 (UP2) à Paris, lui fait intégrer l'atelier d’architecture mixte d'André Ménard, à une époque où certains d’entre eux refusent de former les femmes. En parallèle, après sa deuxième année d'études, elle intègre le cursus des Arts décoratifs, après avoir réussi le concours d’entrée. Elle cite plusieurs étudiantes et relate des pratiques de bizutage en vigueur lors des fêtes, de la part d’étudiants des années supérieures, tandis qu'elle exprime une solidarité entre les étudiant·e·s du même âge, garçons et filles. Il n’y avait aucune enseignante femme, sauf plus tard à Nanterre, où Françoise Livache enseignait la sociologie. Puis Catherine Clarisse revient plus en détail sur son parcours à l’école d’architecture, tout d’abord à l’Unité pédagogique n°2, rue Jacques Callot à Paris, puis à Nanterre, après le déménagement de l'école. Elle décrit, au cours de la première année, les projets individuels et les projets de promotion menés à un rythme soutenu, puis relate le comportement sexiste d'un jury, ce qui la conduit à quitter UP2, en même temps que d’autres élèves, pour diverses raisons. Catherine Clarisse rejoint donc UP7 pour sa bonne réputation sur les questions constructives et intègre l’atelier de Paul Maymont, qui s’intéressait aux questions de l'habitat écologique. Elle déclare également y avoir bénéficié d’un enseignement technique assez pointu grâce à l’enseignant Pierre Diaz Pedregal. Puis elle se tourne vers UP6 à La Villette, afin de bénéficier de son enseignement de la culture architecturale, et où professaient des architectes renommés tels qu' Antoine Grumbach, Roland Castro ou Fernando Montes. Elle est nommée architecte Diplômée par le gouvernement (DPLG) en 1985. Ayant toujours travaillé en parallèle de ses études, notamment dans l'agence de l’architecte Renzo Piano, elle donne des détails sur la manière de travailler dans l’agence, sur l'ambiance dynamique qui y régnait, ainsi que dans les agences d'Yves Lion et de Fernando Montes. L’enquêtrice sollicite Catherine Clarisse sur son expérience en tant que femme au sein de ces agences. Elle confie avoir vécu une expérience éprouvante au sein d'une agence (ndlr : Catherine Clarisse précise que cette agence ne figure pas dans son CV ; aucune des agences citées dans son CV n'est concernée par cet évènement) : alors qu’elle était embauchée pour mener un projet pour un concours d'architecture, elle est agressée par un supérieur hiérarchique, ce qui lui vaudra un licenciement. Dans un contexte où elle ne reçoit que peu de soutien, elle garde le silence sur cette affaire. A l'invitation de l'enquêtrice, le témoin s'attarde à raconter les bons souvenirs qui rythment les nombreuses missions qu'elle a effectuées au sein des agences, relativement aux ambiances de travail chez Renzo Piano par exemple ou relativement aux voyages pour l'agence d’Yves Lion. Néanmoins, il existait une pression importante, qui impliquait une disponibilité permanente, l'amenant à rechercher d'autres modalités de travail. En couple avec un architecte, celui-ci crée sa propre agence, tandis qu'elle assure le quotidien, grâce aux revenus d'un travail salarié, rendant caduc la question de la création de sa propre agence, ce qui pourra lui être reproché plus tard, dans sa carrière d’enseignante. L’entretien s’oriente ensuite sur la question du féminisme au cours des études de Catherine Clarisse. Celle-ci repense à ses influences et cite une professeure de philosophie au lycée, la lecture de Simone de Beauvoir et revient sur l’enseignante Françoise Livache pour son engagement sur cette question. Malgré une mixité parmi les étudiantes et étudiants ainsi qu’au sein des agences d'architecture, il s’avère qu’après la trentaine, les femmes ne sont plus présentes dans les agences, à l'arrivée des enfants. Catherine Clarisse raconte comment elle en a elle-même fait les frais. Mais, en 1993, elle débute un cursus pour l’obtention du Diplôme d’études approfondies (DEA) “Projet architectural et urbain” à l’ENSA-Paris-Belleville qui lui apportera, outre de nouvelles compétences, un nouveau réseau professionnel. Elle revient plus en détail sur son goût et sa compétence pour la réalisation de maquettes d’architecture pour lesquelles elle a souvent été sollicitée. Elle rappelle, par exemple, l’invitation de l'architecte Sandra Planchez à exposer au pavillon de l’Arsenal, autour de l’histoire des maquettes en architecture. Elle soutient son mémoire de DEA alors qu’elle a ses trois enfants. La conversation vient ensuite sur ses premières vacations en tant qu'enseignante, juste après la naissance de son premier enfant, vers 1990, où elle commence à enseigner à l’école du paysage de Versailles. Puis, motivée par l'architecte-enseignante Françoise Fromonot, elle passe les concours d'enseignante, ce qui lui permet d’intégrer l’école d’architecture de Clermont-Ferrand. Revenant sur le sujet du mémoire de DEA, Catherine Clarisse explique ses hésitations pour choisir son sujet de mémoire. Elle est très intéressée à la fois par le sujet de la place des femmes dans l’architecture - motivée par ses propres difficultés à gérer le travail, les enfants et l’organisation de la maison - et à la fois par celui de l’espace cuisine au sein de l’habitat. Elle raconte les interviews réalisées auprès de femmes architectes, les conseils de l’architecte Yannis Tsiomis à propos du cas de la cuisine de Francfort de Margarete Schütte-Lihotzky et ses recherches au siège de la fondation Le Corbusier. Elle constate que la cuisine des unités d’habitation de Le Corbusier confine et isole la femme dans un espace étroit, inconfortable et sans fenêtre, espace que Catherine Clarisse appelle la « cuisine corset ». Elle regrette d’ailleurs avoir elle-même travaillé pour des projets dont les cuisines n'étaient pas fonctionnelles. C'est donc cette question stratégique de la cuisine qui l’a poussée à choisir ce thème pour son diplôme de DEA, ainsi qu’à écrire un livre sur le sujet pour lequel elle gagnera un concours d’aide à l’édition du Centre national du livre. Puis Catherine Clarisse décrit l’accueil chaleureux reçu à l’école d’architecture de Clermont-Ferrand par des femmes enseignantes de l’école. À son arrivée elle est néanmoins la seule femme à y enseigner l’architecture, mais celles-ci sont représentées dans d’autres disciplines comme en sociologie avec Françoise Navez Bouchanine, en géographie avec Françoise Lorgeoux, en arts plastiques avec Isabelle Pio, en sciences humaines avec Joëll Dumonteil. Pour des raisons personnelles qu’elle précise, la témoin souhaite se rapprocher de Paris et intègre l’ENSA-Lille. La dernière partie de l'entretien revient sur le ressenti du témoin sur le féminisme. Catherine Clarisse considère qu’elle a toujours été féministe, ce qu'elle explique au travers de la narration de sa prise de poste à l'ENSA-Paris-Malaquais, où elle perçoit une attitude générale envers elle, s'apparentant à une forme de bizutage. Néanmoins, elle décrit un cadre davantage favorable aux femmes dans cet établissement : la possibilité d’enseigner le projet, en Master, alors que cet enseignement était traditionnellement réservé aux hommes, une plus grande autonomie ou l’opportunité d’être force de proposition. L’enquêtrice oriente ensuite la conversation sur les relations avec l’architecte Patrick Bouchain que Catherine Clarisse explique avoir rencontré à l’occasion d’un projet qu’il réalisait à Roubaix alors qu'elle-même enseignait à Lille. Elle raconte leur collaboration autour d'un projet avec les habitants, les étudiant·e·s, les enseignants et les architectes, dans une ambiance conviviale. C’est l’occasion de préciser certaines pratiques dans son enseignement comme les voyages proposés aux étudiant·e·s, autour du thème des maisons des jeunes et de la culture, ou comme les rencontres organisées avec des architectes femmes (elle donne en exemple la rencontre avec l'architecte Sophie Ricard à Boulogne-sur-Mer). Pour elle, ces rencontres étaient également une façon d’intégrer davantage de femmes dans son enseignement. Questionnée sur sa préférence à travailler avec des hommes ou des femmes, Catherine Clarisse y répond en relatant une désagréable expérience de partage d'enseignement avec un homme. À partir de là, elle a effectivement plutôt fait appel à des femmes, contribuant ainsi à compenser leur absence dans d’autres secteurs. D’autre part, la cooptation a favorisé la constitution de réseaux informels, en même temps que des organisations officielles ont contribué à promouvoir l'égalité homme-femmes, comme l'Association pour la recherche sur la ville et l'habitat (Arvha). Elle explique qu’il est important d’encourager les femmes, car à compétences égales, elles se présentent moins aux concours ou postulent moins que les hommes. L'enquêtrice et le témoin échangent et s’interrogent sur un colloque sur le féminisme s'étant tenu à l'ENSA-Paris-Malaquais, organisé par l’architecte, philosophe et docteur en Études féminines Doina Petrescu, en 1999, intitulé « Altérité interdisciplinarité et pratiques féminines de l’espace », où de nombreuses architectes américaines était invitées. En conclusion de l’entretien, l'enquêtrice questionne plus généralement le témoin sur les causes des difficultés des femmes dans le milieu de l’architecture. Catherine Clarisse analyse ce fait au regard du contexte sociétal de l’époque et du machisme du milieu de l'architecture, dominé par les hommes. Le résultat est que très peu de femmes de sa génération ont pu accéder au professorat ou à l'éméritat, et que les statuts et les revenus des femmes sont inférieurs à ceux des hommes. Elle note que le collectif Architoo apporte un changement positif. Enfin, Catherine Clarisse rappelle avoir cité beaucoup de femmes qui l'ont encouragée et met l'accent sur l’influence de l’architecte Charlotte Perriand, qu’elle avait rencontrée au début de sa carrière. Au cours de l’entretien, l’enseignante chercheuse éclaire son parcours, ses choix professionnels et personnels par de nombreuses narrations, en citant les personnes qui jalonnent son expérience.
Caractéristiques matérielles et contraintes techniques : qualité sonore très bonne.
Conditions d'accès : la diffusion et la consultation de l'enregistrement de l'entretien est autorisée sur internet. L'informatrice place cet enregistrement dans le domaine public.
Conditions d'utilisation : la diffusion publique des enregistrements lors de manifestations culturelles ou scientifiques organisées sous la responsabilité directe de la MMSH et au sein du réseau du programme de recherche EnsArchi (expositions, cours, ou conférences) est autorisée. La copie est autorisée.
Documents en relation : le curriculum vitae de la témoin est consultable en ligne : https://doi.org/10.34847/nkl.7d0f9upf. Catherine Clarisse rappelle que l'agence mise en cause au cours de l'entretien ne figure pas dans son CV. Ainsi, aucune des agences citées dans son CV n'est concernée par cet évènement.
Bibliographie :
Clarisse, C. (2004). Cuisine, recettes d'architecture. Les Éditions de l'Imprimeur.
Information sur le traitement : analyse documentaire de Annick Boissel, octobre 2022.
Reproduction(s) numérique(s) : Numérisation disponible en ligne
Auteur : Clarisse, Catherine (1957-....) (informatrice)
Dadour, Stéphanie (1980-....) (enquêtrice)
Sujet : École nationale supérieure des arts décoratifs (Paris)
Bizutage
Livache, Françoise (....-2021)
Maymont, Paul
Diaz Pedregal, Pierre
Grumbach, Antoine (1942-....)
Castro, Roland (1940-....)
Montes, Fernando (1939-....)
Piano, Renzo (1937-....)
Lion, Yves (1945-....)
Architecture -- Concours
Agences d'architecture
Pression des pairs
Beauvoir, Simone de (1908-1986)
École nationale supérieure d'architecture de Paris-Belleville (Paris)
Planchez, Sandra (19..-....)
École nationale supérieure du paysage (Versailles)
Fromonot, Françoise (1958-....)
École nationale supérieure d'architecture (Clermont-Ferrand)
Tsiṓmīs, Giánnīs
Schütte-Lihotzky, Margarete (1897-2000)
Fondation Le Corbusier
Navez-Bouchanine, Françoise (1949-2008)
Lorgeoux, Françoise
Pio Lopez, Isabelle
Dumonteil, Joëll
Ecole nationale supérieure d'architecture et de paysage de Lille
Bouchain, Patrick (1945-....)
Ricard, Sophie (1983-....)
Association pour la recherche sur la ville et l'habitat (Paris)
Petrescu, Doina (1960-....)
Machisme
Perriand, Charlotte (1903-1999)
Milieu social
Éducation et genre
Misogynie
Agressions sexuelles
Abus de pouvoir
Sacrifice de soi
Études avec enfants
Conditions d'habitation
Égalité de rémunération
Discrimination sexuelle dans l'emploi -- Droit
Sexisme dans l'enseignement supérieur
Interdisciplinarité dans l'enseignement
Relations professionnelles
Mouvements de lutte contre les violences sexistes et sexuelles

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